Psicocomp Master series

21 janvier 2016


Psico ou psycho, du grec psukhê, désigne de tout ce qui relève de l’âme, de l’esprit et de la pensée. Ceci dit, quand on fait du psicobloc, un peu aérien, il vaut mieux penser son âme sur sa chaise de transit, se sentir l'esprit léger porté par l'adrénaline au contact de la première prise, et réserver sa pensée à la qualité de sa gestuelle pour échapper à l'altimétrie de son exposition.

En redescendant du Wyoming, j’ai eu l’opportunité de participer aux Psicobloc Masters Series, une compétition américaine de duel, existant depuis quelques années. L’originalité est qu’elle se déroule au-dessus d’une piscine, au Utah Olympic Park, à Park City, près de Salt Lake City, Utah. Ce parc est le centre d’entrainement des skieurs acrobatiques. Ils s’y entraînent toute l’année sur des aménagements très poussés, notamment au-dessus d’une piscine dans laquelle sont générées des bulles avant l’impact, pour amortir le choc au contact de l’eau.



Nous avons, avec Josh, participé aux épreuves de qualification, lesquelles nous ont permis d’accéder à la vraie compétition du psicobloc ayant lieu le surlendemain. Tout le monde me demandait si j’avais peur, sachant que le but est de grimper, au-dessus de l’eau, non encordé, sur un mur qui sort à 15m de haut... tout en ayant à l'esprit qu'une chute intempestive jusqu'à l'impact s'engage logiquement dans une position impossible à contrôler. Je n’avais pas franchement peur, ayant déjà pratiqué du deep water soloing dans les Gorges du Verdon et autres sauts de haut vol dans de nombreux canyons.



Après ma première manche, en me retrouvant au sommet du mur, les pieds à 15m ... là j’ai douté, un peu. Le champ de vision réduisant la piscine à un timbre-poste, fait paraître la surface de l’eau beaucoup plus basse. Je me lance, portée par l’adrénaline de la chute, mais en arrivant dans l’eau, j’ai dû arriver un peu inclinée, un peu assise. Autant dire que pour avoir ainsi embrassé la planète, l’appréhension du saut s’est installée, et j’ai décidé que pour les prochains sauts, je dés-escaladerai un peu avant de me lâcher, au prix de quelques huées d’un public bon joueur. Il est à noter que les bulles activées avant notre entrée dans l’eau rendent sa surface moins dure. Ce n’était pas non plus un jacuzzi, sinon nous ne pourrions plus nager pour remonter à la surface.



Le lendemain du tour de qualif, nous nous retrouvons tous autour de la piscine, 16 femmes et 16 hommes, dont 12 invités parmi le gratin de la discipline aux USA et 4 sélectionnés issus des qualifications. Comme pour les épreuves de vitesse en compétition officielle, nous nous lançons dans un tour de qualification où chacun grimpe deux fois. Le meilleur temps est gardé, afin de faire un classement parmi les 16 concurrents( es) et de définir les duels pour le lendemain.

Pour ces duels, prévus de nuit, les spectateurs sont venus en nombre pour assister et contribuer au spectacle. Nous sommes accueillis dans l’aire de compétition comme des pachas : jacuzzi en sortie de la piscine, chauffage devant les chaises de préparation, séchage à air pulsé pour les chaussons, peignoirs, buffet bien garni. Je gagne mon premier duel contre Courtney Woods, quelque peu tétanisée sous le toit à cause de la hauteur. Mon 2e duel, contre Kyra Condie, fut de loin le plus éprouvant pour moi. Kyra a un très bon niveau en bloc et en difficulté, et a une grimpe très rapide et efficace. Sur la première moitié, elle me devance de quelques prises, je la rattrape à peine au milieu de voie, puis mets un énorme coup d’accélération et choppe le sommet à deux prises d’elle. C’est à ce moment-là que je remarque qu’il pluviote et que je viens de grimper sur des prises mouillées, ce qui n’est pas du tout rassurant. Une dizaine de minutes plus tard, l’averse est totale et les organisateurs décidèrent de mettre en pause la compétition.



Une alerte à la tornade nous a tous fait rentré dans les bâtiments, prévus pour ce genre de tempête. Après 2 heures d'attente et avoir bien abusé du buffet pensant que la compétition serait annulée, les organisateurs nous informent de la reprise du meeting dans 10minutes ... une annonce qui ne nous enchantait pas forcément, car bien refroidis et déconnectés. A la vue des efforts des ouvreurs pour sécher les prises, et du public resté en nombre, je me suis bien remobilisée. J’ai réussi un tour de demi-finale très serré contre Claire Burhfeind, vainqueur 2014, ainsi que mon duel de finale avec Megan Martin et remporte ainsi la compétition, un peu surprise car les semaines précédentes, je n’avais pas eu une grimpe assidue dans le massif des Tetons pour cause de blessure sérieuse au genou.



Au tour des garçons de faire leur 8e de finale. Des noms chargés de charisme, d’expérience et de référence, Jimmy webb, Chris Sharma, Jon Cardwell, Sean Mac Coll, Daniel Woods, Ethan Pringle, 16 au total, vont relever le challenge. A noter le tour de Josh confronté à Chris Sharma, lesquels poussent la complicité de jeu jusqu’à discuter en milieu de voie, avant de tout lâcher jusqu’au bac final. Malheureusement, les hommes n’auront pas l’occasion de poursuivre la compétition plus longtemps, car la pluie a repris. Vers 23h, les organisateurs décident d’arrêter la compétition, faisant un classement en fonction de leur ascension en 8e de finale. Dans l’esprit du meeting, les hommes décidèrent de se considérer à égalité à la même place pour n’avoir pas pu se confronter équitablement.

Encore une fois, j’ai aimé la démesure d’un événement sportif à l’américaine : de la complicité, du show, du festif aussi motivant pour le public que pour les athlètes. J’ai adoré la stimulation qui régnait entre les grimpeurs, visant à s’amuser et passer du bon temps tous ensemble. Outre l’accueil et le traitement réservés aux grimpeurs, j’ai été très impressionnée par la présence des sauveteurs autour de la piscine, prêt à plonger au moindre indice de problème, comme on peut le voir dans les grands meetings de High diving (plongeon de haut vol). Avec ce format de compétition, il était très rassurant de savoir qu’on pouvait se lâcher au sens propre comme au figuré. Bravo donc aux organisateurs pour la minutie de la mise en œuvre et merci à l’initiateur du concept, Chris Sharma. Je reviendrai avec envie et plaisir.

Quelques-uns de ces moments en vidéo et merci à Joel Zerr pour les photos.